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Article 2 – l’article 555 du Code civil ne s’applique pas aux ruines

Cour de cassation, 3ème Civ., 9 septembre 2021, n°20-15.713 FS-B - Non-application de l’article 555 du Code civil pour les bâtiments en ruine ayant fait l’objet de travaux de rénovation

« Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 8 octobre 2019), M. et Mme [G], prétendant que M. [H] leur avait vendu, en avril 1993, une ruine située sur un terrain lui appartenant, l'ont assigné en reconnaissance de leur qualité de propriétaire ou en indemnisation de leurs travaux de restauration.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa première branche

Énoncé du moyen

2. M. et Mme [G] font grief à l'arrêt de les condamner à enlever à leurs frais les constructions réalisées sur le bien de M. [H] et de rejeter leurs demandes en paiement de la somme de 85 000 euros au titre des améliorations réalisées sur ce bien, alors « que les dispositions de l'article 555 du code civil ne s'appliquent qu'aux constructions nouvelles mais pas quand les travaux sont réalisés sur des ouvrages existants et constituent des réparations ou de simples améliorations ; qu'en jugeant que les travaux réalisés par les époux [G] « (devaient) être regardés comme l'édification d'une construction neuve » en raison de l'importance de « la rénovation effectuée », bien qu'elle ait, elle-même constaté que les travaux avaient été réalisés sur un ouvrage préexistant, la cour d'appel a violé l'article 555 du code. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 555 du code civil :

3. Selon ce texte, lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever. Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds. Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d'oeuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.

Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent.

4. Ces dispositions ne concernent que des constructions nouvelles pouvant être l'objet d'une accession au profit du propriétaire du sol.

5. Pour les dire applicables, l'arrêt retient que, compte tenu de l'importance de la rénovation effectuée, les travaux M. et Mme [G] doivent être regardés comme l'édification d'une construction neuve.

6. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que M. et Mme [G] avaient pris possession d'un bâtiment en ruine dont la toiture et le plancher du premier étage étaient effondrés, ce dont il résultait que les murs subsistaient, de sorte que les travaux avaient été exécutés sur une construction préexistante avec laquelle ils s'étaient identifiés, la cour d'appel a, par fausse application, violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 8 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ; »

Par cette décision, la Cour de cassation estime que seules les constructions nouvelles sur le terrain d’autrui sont susceptibles d’entrer dans le champ d’application de l’article 555 du Code civil relatif au droit de l’accession sur les choses immobilières.

En l’espèce, les requérants avaient effectué des travaux de rénovation sur un bien immobilier en ruine situé sur un terrain appartenant à une autre personne. Le couple aurait effectué ces travaux avec l’accord du propriétaire. Or, les requérants ont prétendu que le bien leur avait été vendu et ont assigné le propriétaire du terrain en reconnaissance de leur qualité de propriétaire de la ruine ou, le cas échéant, en indemnisation des travaux de restauration.

S’opposant à cette assignation, le propriétaire du terrain conteste la prétendue vente et sollicite la démolition de l’ouvrage aux frais des requérants.

La Cour d’appel de Rennes a estimé que le bien immobilier, objet du litige, était la propriété du propriétaire du terrain ; par conséquent que le couple avait effectué des travaux sur le terrain appartenant à autrui et que le droit de l’accession avait vocation à s’appliquer. En effet, la Cour d’appel a estimé qu’au regard de l’importance des travaux de rénovation effectués sur le bien, lesdits travaux devaient être perçus « comme l’édification d’une construction neuve ». Par conséquent, elle ordonne, sur le fondement de l’article 555 du Code civil et en l’absence de bonne foi, la démolition des constructions réalisées aux frais des constructeurs.

Sous réserve de dispositions contraires, l’article 555 du Code civil s’applique pour toutes les constructions effectuées sur le terrain d’autrui et il dispose :

« Lorsque les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers et avec des matériaux appartenant à ce dernier, le propriétaire du fonds a le droit, sous réserve des dispositions de l'alinéa 4, soit d'en conserver la propriété, soit d'obliger le tiers à les enlever.

Si le propriétaire du fonds exige la suppression des constructions, plantations et ouvrages, elle est exécutée aux frais du tiers, sans aucune indemnité pour lui ; le tiers peut, en outre, être condamné à des dommages-intérêts pour le préjudice éventuellement subi par le propriétaire du fonds.

Si le propriétaire du fonds préfère conserver la propriété des constructions, plantations et ouvrages, il doit, à son choix, rembourser au tiers, soit une somme égale à celle dont le fonds a augmenté de valeur, soit le coût des matériaux et le prix de la main-d’œuvre estimés à la date du remboursement, compte tenu de l'état dans lequel se trouvent lesdites constructions, plantations et ouvrages.

Si les plantations, constructions et ouvrages ont été faits par un tiers évincé qui n'aurait pas été condamné, en raison de sa bonne foi, à la restitution des fruits, le propriétaire ne pourra exiger la suppression desdits ouvrages, constructions et plantations, mais il aura le choix de rembourser au tiers l'une ou l'autre des sommes visées à l'alinéa précédent. »

Or, la Cour de cassation affirme que le couple a pris possession d’un bâtiment en ruine « dont la toiture et le plancher du premier étage étaient effondrés ». Les travaux de rénovation ont été effectués sur un bien immeuble où seuls les murs subsistaient. Dès lors, la Cour de cassation a estimé que les travaux avaient été effectués sur une construction préexistante.

Dès lors, les travaux de rénovation effectués sur ce bien immeuble relevaient du régime des impenses. Trois types d’impenses sont à distinguer et selon les cas, il n’y a pas d’indemnisation au profit des constructeurs.

La décision rendue par la Cour de cassation n’est pas nouvelle mais elle traduit la nécessité de définir juridiquement le terme de « ruine » qui est pour l’heure comparé à une construction existante, même si seuls les murs subsistaient.Peut-être est-il possible de caractériser une construction préexistante par la simple présence de murs ?